lundi 23 février 2009

Paroles d'oiseaux

au Musée Rodin

  • Dis, si le moineau est un petit moine, est-ce que la canette est une petite cane ?
  • Peut-être bien, puisque le passereau est le mâle de la passerelle. Un petit moine a toujours besoin d’une cane, tu sais, au cas où l’abbé casse.
  • Mais alors, si le Père Roquet est un papa-chien, la Mère Leu est une maman-loup ?
  • Sans doute, puisque le pigeon est une petite pige. Mais dis-moi, je trouve tes questions bien puériles, je ne te savais pas si jeune ma buse…
  • Un condor peut cacher de précieux faux cons ! N’entends-tu pas cingler le chant du martinet qui annonce en tremblant les lettres du corbeau ?
...au cimetière Montparnasse




lundi 16 février 2009

VIRES-TU ELLE ?

Pour continuer dans l'interactivité entre blogueurs, je réponds à l'invitation de Nicolas du Perchoir, qui nous "propose comme challenge, à ceux qui aiment jouer avec les mots, d’écrire leur propre vision de son histoire à lire sur son blog, dans le contexte d’une révélation, d’une illusion et d’une connexion avec un monde fictif.

* **



Depuis quelque temps déjà, sur mon blog, il se passe une chose bizarre. Les commentaires d'un inconnu se glissent sournoisement sur mes billets, et quand je clique sur le mot "anonyme", je suis redirigée sur une page remplie de 1. Les vers sibyllins de l'inconnu parlent de mon enfance, de détails que moi seule peux savoir. C'est comme si une entité virtuelle et omnisciente (que j'appellerai ELLE) était entrée dans mon esprit pour me voler mes secrets. Le tout, sous des formes qui me touchent, reproduisant mon style d'écriture. Je supprime ces interventions dérangeantes au fur et à mesure de mes billets et je les copie dans un document à part. Mais j'ai décidé de stopper net depuis la nuit dernière, car j'ai fait un cauchemar dont le scénario reprend le texte du premier commentaire retiré. Ces vers évoquent ma phobie, sous forme de haïkus :

Ô Belle Arachnide
Viens à moi, venin perfide

Tes yeux de clepsydre


Dans mes mains vides
Ecoulent leur sable aride

A la couleur cidre


Dans mon rêve, je me trouvais dans un désert, peuplé de dunes de mygales, avec un sablier au-dessus de ma tête...Je ne peux pas contrôler ces apparitions, et j'ai donc commencé à faire des recherches relatives à d'éventuelles expérimentations semblables par d'autres blogueurs, mais je ne trouve rien. Ces mots issus de nulle part sont pourtant bien écrits par quelqu'un !?! Dans tous les cas, si je n'en suis pas l'auteur, j'en suis l'"ôteur" pas à la hauteur : ils restent en effet gravés dans mon subconscient comme une morsure qui ne cicatrise pas. Les coms prennent même parfois une tournure menaçante :

Petit poisson devient dragon
Quand le cancer atteint l'arête
Il nage dans son filet tout net

C'est la toile qui distille son poison


Tout y est. Mes ascendants astrologiques, mon engouement pour la blogosphère et internet...mais je ne peux croire à une intervention autre qu'humaine, en dépit de l'absence totale d'explication rationnelle. J'ai même fait appel à un spécialiste du langage crypté et des codes informatiques, très calé en virus ! Mais le constat demeure des plus incroyables. Il n'y a PERSONNE derrière ELLE, pas d'adresse IP, ni clavier ni ordinateur connecté. Ces mots sont de purs calques humains, mais irréels, abstraits, fantômes ! Je ne dors plus et la nuit je suis connectée à la lune. Ces "poèmes" sapent mon moral, je me dis que je suis schizo, que je suis l'auteur de ces coms et qu'après je les oublie...j'ai pris à témoin ma famille, mes amis, pour voir si...mais non, j'ai beau me trouver à des kilomètres d'un ordinateur, les coms sont là, tonitruants, éprouvants, machiavéliques ! Le chiffre 11-11 revient dans ces délires, et je le vois partout, comme l'heure fatale de mon apocalypse intime, et c'est peut-être ça !!! Une signature est apparue justement en bas du 11ème com...le paraphe MM. Voici le commentaire, sous la forme d'un palindrome dont la langue est étrange :

Le un n'a nul élève nez, no lune, no name. Dix is a true monster : rasés à ses arrêts, on meurt à six...Idem an one, nul onze ne vêle l'un annuel.

Pour avoir retourné le chiffre 11 dans tous les sens, je sais ce que cela signifie : MM, c'est 11-11, car la lettre M n'est pas autrement composée de deux 1 qui se font face, un à l'envers, un à l'endroit, tout comme le symbole de mon signe est représenté avec deux poissons qui vont dans des directions opposées. J'ai toujours été fascinée par la lettre M et le chiffre 11, et ELLE le sait, car j'en ai parlé dans mes billets (Rhyming tautolipogram, M et vous...les uns les autres, 11:11). ELLE se joue de mes obsessions et de mes incertitudes. ELLE sait que je suis sensible aux signes et aux symboles...ELLE et 1111 sont aussi des palindromes, codes-barres d'un sens giratoire sans fin, sans issue de secours...



Aujourd'hui, cela continue, mais je vis ces manifestations comme une possibilité de retour sur MM, c'est à dire...Moi-Même. C'est le reflet de mon âme, c'est un jeté de mon sang, c'est le bug inexpliqué de ma SERV-ELLE : le serveur "elle", dernière syllabe de mon prénom. Un jour peut-être, je comprendrai la signification de tout cela. Tout semble évidemment basé sur la connectivité des signes : il n'y a pas de hasard, toutes ces coïncidences ont un sens, dans une autre dimension spatio-temporelle, mais je ne le saurai qu'au prononcé de mon dernier mot...Ce mot, c'était la MORT sans "air", la mort, cet éther net éternel, et ce mot...c'était peut-être ELLE !

ATTENTION CECI EST UNE FICTION : TOUTE RESSEMBLANCE AVEC DES PERSONNAGES OU DES ÉVÉNEMENTS PLUS OU MOINS RÉELS OU RECONNAISSABLES SERAIT FORTUITE...

lundi 9 février 2009

Mais quel est donc ce grand frisson ?



Me voilà taggée par Myu...merci à lui ! D'ordinaire je n'aime pas trop ce genre de jeux à la chaîne, sauf quand ça me permet de rebondir sur une idée de billet...Le principe diabolique de ce "taggage" est de parcourir son dossier photos le plus récent ou le 6ème le plus récent, choisir la 6ème photo dans ce même dossier et la publier sur son blog, puis passer le relais à 6 bloggers (vous voyez, ça fait 6-6-6-;). Je passe le relais à ceux qui le veulent.

J'ai pris cette photo à Montmartre. J'ignore quel est l'auteur de ce croquis, malheureusement. La citation de Goethe "Le frisson est la meilleure part de l'homme" m'offre une excellente façon d'aborder une question qui me préoccupe en ce moment. Dans quelles circonstances éprouve-t-on un frisson ? Le mot est tiré du latin frigeo (avoir froid). Peur, désir, fièvre, sentiment de déjà vu, plaisir, dégoût, froid, émoi procuré par la musique ou une vision...Autant de manifestations du frisson qui sont contradictoires. Ce qui nous faisait frémir nous rend plus vivant, nous bouscule, casse notre passivité. Est-ce pour cela que tout le monde rêve du fameux "GRAND FRISSON" ? Mais quel est-il ?

En creusant un peu, j'ai découvert que c'est Rudolf Otto (1869-1937), théologien allemand, qui aurait repris la citation de Goethe pour parler du "spasme mystique". La théorie d'Otto repose sur le "Mysterium Tremendum". Pour schématiser un peu, pour lui, le frisson (combinant terreur-adrénaline-sentiment d'impuissance) ressenti en présence d'un phénomène de type "apparition sacrée", est liée à la conscience subite qu'il existe celui qu'on appelle...DIEU.

Ma propre soeur a été frappée par la foi le jour où, très jeune, après une séance de spiritisme avec ses copines, des "esprits" ont répondu à des questions. Par la suite, une série de micro-événements "surnaturels" ont achevé de la terroriser, elle a lu beaucoup d'ouvrages sur les religions et elle est devenue croyante. Moi-même, petite, avec l'un de mes cousins, alors que nous étions sur une route de campagne, j'ai vu apparaître ce qu'on appelle communément un revenant. Cela n'a jamais eu d'incidence sur mon athéisme forcené et même si j'en ai éprouvé de la peur, j'ai cherché (et trouvé je pense) toutes les explications rationnelles pour expliquer ce phénomène.

Je m'interroge. Quel est donc ce grand frisson mystique ? Pour aller plus loin, j'aimerais, si ce n'est pas une question trop indiscrète ou trop intime, que vous me racontiez comment vous avez eu la foi si vous êtes croyant, ou pourquoi au contraire vous considérez que les manifestations surnaturelles sont le fruit de l'imagination humaine ?

lundi 2 février 2009

AMBIANCES : LES CONSÉQUENCES

Désolée d'avance pour la longueur du texte, mais près de 140 mots différents à caser, c’est un sacré challenge…c’est pourquoi j’ai parfois utilisé des mots de la même famille pour plus de fluidité. Les doublons sont assez représentatifs de l’imaginaire collectif des participants : lumière, abîme, brisure, enlisement, merde, éclat, fêlure, plongeon, fragile, tournis. Merci en tout cas pour ce brainstorming ! En prime, une illustration que m'a inspirée le texte.



***

Lisbeth s'enlisait avec désespoir dans une cimenterie de cauchemar, en proie à un vertige et une douleur sans fin : le compte à rebours avait commencé, et les secondes s'égrenaient dans un silence elliptique...1, 2, 3, 4...11...Les terribles vers de l’Horloge de Baudelaire semblaient se répercuter sur les murs de son cachot : « Trois mille six cents fois par heure, la Seconde Chuchote: Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois, Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !». Le corps nu de Lisbeth, était tout en contrastes : couleur de neige et parsemé de bleus (les empreintes de sa séance de torture), il avait l’aspect de la faïence. On l'avait droguée à l'héroïne, et à certains moments d'inspiration lui venaient dans ses délires des scènes de Transpotting et de Requiem for a Dream. Elle comptait les paillettes de sa peau comme autant de points de saignée traçant des rails parallèles vers un brasier jusqu'à l'ignition : un, cent, dix. Dans le voile tamisé de sa conscience ponctué de rares éclaboussures de lumière, sa tête allait exploser comme un volcan en éruption tant elle avait mal. Comme elle était l'unique captive, la solitude et l'enfermement provoquaient chez elle des accès de schizophrénie : elle se parlait à elle-même pour ne pas crier. Parfois, elle entendait résonner un ricanement semblant provenir d'un hall lointain. Une odeur de brûlure lui parvenait à travers une fragile meurtrière incrustée de suie, d'où elle apercevait la lueur du jour filtrée par un grillage en résille. Le fameux décret n° 2006-1386 était passé aux oubliettes, et les ricochets de clarté sur le boulet attaché à ses chevilles n'était qu'une lueur d'espoir illusoire. Dommage...elle était foutue. Il n'y avait pas d'échappatoire, et presque pas d’aération. Ni barreaux, ni persiennes. Les conséquences de son imprudence semblaient incontournables, aussi fatales que l'enclume écrasante du remords qui vous plonge dans l'effroi et vous change en statue de marbre. Bientôt, il serait trop tard. Trop tard pour les regrets et trop tard pour les condoléances, personne n'entendrait la brisure de son cœur ni ne pleurerait les cendres de son âme. L'humidité ambiante de ce gouffre interdit aux humains compromettait sérieusement l'étanchéité de ses garde-fous, mais elle s'empêchait malgré tout de sombrer dans l'abîme de la folie...Paradoxe total car elle s'y trouvait déjà.

Lisbeth avait de la visite. Le rieur du hall, avec sa face de conque, était plus sinistre qu'un hiver glacial (étrange ce mot « conque », se dit-elle, un mix de con + queue comme le sexe d’un androgyne). Il avisa la silhouette de la jeune fille : enracinée dans sa torpeur de pétrifiée, elle avait le cul par terre empêtré dans la merde. Il partit d'un énorme éclat de rire sarcastique; "Holala !", fit-il. Il y avait cependant comme une fêlure dans sa voix, à l’instar de son épiderme craquelé par une sorte de lèpre. Elle resta figée devant le spectacle de cette peau en lambeaux, comme envoutée. « Pourvu qu’il ne me touche pas ! », pria-t-elle. Elle se demanda d’ailleurs quelle était la période d’incubation de la maladie au cas où elle verrait chez elle les premiers symptômes. Puis, il se mit à écrire ces trois caractères d'illettré, "M D R" à la craie sur le mur comme un avertissement, le calque de son propre rire de dément. Le cachot avait des allures de squat, avec tous ces graffs sur les parois en décrépitude, dont ce tag "Flubber", qui collait comme un gant au maton, pensa-t-elle avec humour. Non, elle ne Mourrait pas De Rire c'est sûr, mais de quoi ? Quels arts funestes l'attendaient dans la profondeur de ce lieu hanté par les fantômes des précédents prisonniers ?

Pour l'heure, elle avait le tournis...un passage à vide qu'elle tentait de maîtriser. Tandis que "Flubber" s'assurait de la solidité de ses chaînes, elle voyait à travers l'interstice de la porte entrouverte une verrière dotée d'une ossature de métal. Le squelette d'acier était immense, et on y distinguait une sortie tout au bout d’un labyrinthe. Lisbeth se voyait déjà évadée de la dernière chance...quel truisme ! Elle avait déjà la nostalgie de la vie, prenant de plus en plus conscience de sa propre légèreté...en pleine ascension, le ciel semblait lui ouvrir ses bras, comme lorsqu'on prend son envol...terrain glissant ! Elle ressentait une attirance pour la mort, une immersion dans une terre de délivrance ! "Non !!!", se dit-elle avec colère, « je ne veux pas finir comme ça, pas maintenant » !

Tandis que "Flubber" gesticulait, elle entendait les flop-flop de sa chair flasque, ponctués d'un cliquetis. Il marcha sur sa cheville entravée d'un anneau et elle serra les dents très fort pour ne pas hurler. A entendre son "oups !" machiavélique et à voir le masque de sa jouissance placardé sur sa face glabre, il jubilait. Une voix d’outre-tombe semblait lui murmurer : "Le cliquetis. Concentre-toi sur le cliquetis". Une cordelette dépassait du paletot désuet du mollusque, et elle tirait discrètement dessus, ce qui générait ce fameux son de métal qu'il ne semblait pas entendre. Ses premières tentatives furent autant de coups d’épées dans l’eau. « Accroupis-toi plus ! », crut-elle encore entendre.

Le trousseau de clés tant convoité, mû par l'attraction terrestre, tomba enfin : le son de sa chute fut étouffé par les immondices éparpillés sur le sol. Le cœur de la jeune fille battait à tout rompre : cette espèce d’alien n'avait rien vu ! Elle le regarda s'éloigner vers la porte de sortie...il fallait agir vite. Au prix de pénibles contorsions, à l’envers, à l’endroit, elle parvint d'abord à détacher ses pieds, trouva la force de se lever puis saisit un tesson de bouteille afin de fracasser la conque, qui, ciblée avec précision, s'effondra comme une chiffe molle. Un geyser de sang jaune jaillit de son crâne. Vite, elle dégagea ses poignets, encerclés de menottes, à l'aide de ses dents et de ses pieds. Se défaire de ses fers lui procura une sensation de soulagement infini. Ce fut pour Lisbeth la première fois, la seule sans doute, où elle put inscrire dans sa chair le mot LIBERTE.