mardi 6 avril 2010

THE SLIPPER SLEEPER
(La dormeuse aux chaussons)

Ce texte s’adresse particulièrement aux lecteurs qui ont des notions d’anglais. Certains mots d’une langue à l’autre peuvent être (plus ou moins) homophones, sans pour autant signifier la même chose. Ce texte est farci de double-sens, avec un champ lexical axé sur la charcuterie qui n’échappera pas aux couteaux les plus aiguisés.
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Six heures du matin, je sors d’un pub londonien bondé. Je suis un peu sous low après avoir vidé mon bag en toc dans un bock en tags. Je cherche le nom de la rue, en plein lack des signes sous la pluie qui sème des flacks en série. Perdue et titubante, je trébuche sur un nid de pools et tombe dans une trap. Sur le point de me hisser hors du true, je vois une main de caoutchouc tendue vers moi et accepte laid. Mais me voilà nez-à-nez avec un éboueur couvert de boo, nettoyeur en glaise à la face aussi grease que Jack le Ripeur. En état de choke, je commence à faire un bad tripes. Et si ce gars-là était un cooper de têtes ? Un éventreur pervers made in en glandes ? Ca devient show bouillant. La panique me get, aussi je m’exhorte intérieurement au flegme (so british). D’abord, je repair un panneau susceptible de m’indiquer une artère correcte…ah wee-wee, j’en vois un noté « Highgate »…si la flesh est bone, c’est que le bon corps y dort. Je commence à courir, mais mon sale ami me poursuit ! Je file (bien évidemment à l’anglaise) tout en pleurant des saucissons à l’eye et, pour ajouter à mon vague à l’ham, mon sac qui s’est hoover dans ma course laisse échapper des liasses de biftons cornés de bifs sur le mack à dames qui me court appraise ! Je nose pas faire demi-tour pour les ramasser, flairant le danger d’un contretemps. A ce train là, si je perds tout par morceaux il ne me restera pas un seul petty bout d’chair qui ne me serve là au point de ressembler à une squelettique belle fée gore. Gémissante sous le flow de mes larmes, je ne vaux pas mieux que Couine Mum…c’est sûr ça casse le meat ! Avec Jack le Ripeur à mes trousers, il ne me reste plus beaucoup d’alternatives avant de trépasser au peak à glass ou sous une lame du steel tranchant ! J’ai désespérément besoin dead, mais à setter indue il n’y a pas un chat. Soudain, sur la place d’une église, j’aperçois un monticule de charentaises multicolores ! J’y plonge et m’y love en des-pair(es) de cause puisque je suis déjà dans les shoes… et ça marche de jouer à cash-cash avec un décor qui leurre : c’est la lumière du soleil au zénith qui me prend en flagrant daily de sommeil, alliée à la toccata provenant de l’église, qui passe dans mes organs auriculaires comme Bach à la mess. Un œil à droite, un œil à gauche, la root est libre et je peux tranquillement rejoindre l’home de ma vie.
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(MINI GLOSSAIRE ANGLAIS : appraise = évaluer, bad trip = intoxication, bag = sac, bone = os, boo = huée, butcher = boucher, chap = gars, choke = étrangler, come back = retour, cooper = tonnelier, corned beef = bœuf salé ; corridor = couloir, daily = journalier, dead = mort, despair = désespoir, England = Grande Bretagne, eye = œil, flack = attaque, flesh = chair, flow = écoulement, get = posséder, glass = verre, grease = graisse, ham = jambon, Highgate = cimetière à Londres, home = maison, hoover = aspirateur, killer = tueur, lack = manque, laid = couché, love = amour, low = faible, mack = coucher avec qq, meat = viande, mess = désordre, nose = nez, organ = orgue, peak = pic, petty = insignifiant, pool = lac, Queen Mum = la Reine d’Angleterre, repair = réparer, root = racine, setter = chien d’arrêt anglais, shoes = chaussures, show = spectacle, steel = acier, trap = piège, trousers = pantalon, true = véritable, wee-wee = pipi). En FRANCAIS, ripeur = éboueur.

Je me demandais ce que j’allais bien pouvoir utiliser comme visuel pour illustrer ce texte…et je tombe en arrêt devant une vitrine en passant dans la galerie Montpensier. Si cette installation m’a fait rire, me replongeant soudainement dans une partie de Cluedo où le Colonel Moutarde trucide Melle Rose avec la clé anglaise dans la véranda, elle en a rebuté certains qui ont trouvé l’idée tantôt horrible, tantôt cocasse… « Ah, on ne sait plus quoi faire de nos cadavres de nos jours », s’est esclaffé l’un d’eux. « Chatouille-lui les pieds pour voir si ça bouge », a dit un autre. L’artiste, Kirke Kangro, est une jeune estonienne qui m’explique dans un anglais teinté de slave qu’elle s’est attachée à retranscrire les sentiments paradoxaux évoqués par le titre «Home and Uncanny». « Home » pour le côté familier et sécurisant de la paire de chaussons, « Uncanny » pour son côté bizarre lorsque cette paire de chaussons apparaît dans un contexte déshumanisé, décontextualisé. C’est un peu le sentiment qu’on éprouve lorsqu’on explore les friches ou les maisons abandonnées, dans lesquels on trouve des objets ayant appartenu, ayant été portés, par des inconnus.

J'ai désaturé la photo que j'ai prise de l'installation de Kirke Kangro
"Home & Uncanny", jusqu'au 28 avril 2010, dans le cadre du concours Palais-Royal Openair
@ Peter's friends, 25 galerie Montpensier - Paris 1er
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"Uncanny", c’est la fameuse « inquiétante étrangeté », le Unheimlich décrit par Freud. Cela me rappelle justement une photo que j’avais prise dans les combles d’un sanatorium abandonné, d’où se dégage une impression de malaise :

Petite Cendrillon, 5 sept. 2009
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Le chaos de la pile de charentaises recouvrant un mannequin dont on ignore s’il représente un cadavre dissimulé ou une personne endormie, le tout accentué par l’ambiguïté même de sa position allongée est frappant. De même, cette sandalette et ces quelques épingles à linge dans un grenier racontent une histoire, charge à notre imagination de nous la raconter.