lundi 23 juin 2008

CONCOURS : QU'ON COURRE !!!
Dans le cadre du 10ème concours des poètes, la Mairie du 2ème a organisé un concours avec pour thème "Eloge de l'autre". Ce thème a été défini avec comme commentaires : « (...)"Je est un autre" disait Rimbaud. Tout poème est une adresse à l'autre, une invitation comme le suggère Andrée Chedid, à sortir de notre " étroite peau "(...)». Il est précisé que "le thème est cependant laissé à la libre interprétation des compétiteurs".

Moi, forte d'un indécrottable esprit scolaire, je suis parfois comme le bachelier zélé, et j'ai à coeur de faire en sorte, lorsqu'on me "contraint" à un thème, d'éviter de me retrouver HS (hors-sujet/hors service). J'ai donc envoyé un poème qui colle désespérément au thème, que je ne reproduirai pas ici car en le relisant je suis forcée d'admettre que l'"esprit concours" ne me réussit pas. Ce texte est bien indigeste et je ne vous l'infligerai pas. L'objet de ce billet est surtout de vous faire réagir sur certains des textes qui ont été primés. Il y a un parti pris certain de ma part bien sûr, j'ai un sens aigu de la critique. Je suis allée à la remise des prix le 3 juin dernier : une centaine de poèmes environ ont été envoyés pour ce concours et ont, selon les dires des membres du Jury, donné du fil à retordre au vu de la qualité exceptionnelle des poèmes reçus. A la fin, on nous a remis un exemplaire du recueil de toutes les oeuvres, ce qui me permet d'en diffuser quelques extraits . Tout d'abord, le prix jeune poésie a été décerné à T. Meodour :

...........................L'autre

Tu est [sic] noir chocolat je suis blanche comme neige
et pourtant il n'y a que toi qui m'écoute
Tu n'as pas la même culture que moi et pourtant
Tu m'enrichis de tes pensées autres que les miennes
Tout nous sépare mais nos sentiments
Nous réunissent pour l'éternité
Jusqu'à ce que l'homme ne puisse plus réfléchir à ses actes

***

Sidérant, non ? Ils n'ont même pas pris la peine de corriger la coquille ! 1er Prix décerné à J.M. San Martin :

.................................................................Bibliothèque.

Dans la bibliothèque européenne
à côté de nous
quelqu'un s'assoit pour lire
avec l'odeur de notre grand père
mort récemment.
Lorsqu'il se lève pour partir
nous ne regardons pas son visage

***

Il va falloir qu'on m'explique où est l'éloge de l'autre là-dedans...car si j'essaie d'analyser un tant soit peu ce poème-là, je ne trouve rien qui se rapproche de près ou de loin à un éloge. Je m'interroge donc sur le bien-fondé d'un thème défini à l'avance mais librement interprétable. Je m'interroge également sur ce qu'est la poésie de nos jours si l'on tolère les fautes d'orthographe et qu'on n'en tient pas un peu compte dans le processus de sélection. De même, les phrases creuses sans aucun travail de réflexion ou de recherche musicale sont-elles à proprement parler de la prose poétique ? Autant lire un article de Télé 7 jours, c'est certainement plus instructif...mais ce n'est que mon avis et je suis peut-être soit (1) insensible à ce type d'expression, (2) immature, ou (3) tout simplement has been...? Je me demande pourquoi je me décarcasse à écumer les dictionnaires, faire des recherches de sens, essayer de trouver des images percutantes et inédites, lire mes poèmes à haute voix pour en tester la sonorité...quand je pourrais tout simplement me contenter de formules "blanches comme neige" et de lapalissades du type "tes pensées autres que les miennes"; quand je pourrais me limiter à trois pauvres phrases vaguement dramatiques et rafler un premier prix !!! Que le bon sens m'en garde bien ! Parce que si j'écrivais de telles inepties, j'espère bien que les critiques avisés que vous êtes sauraient me remettre à ma place. Dites-moi, ai-je tort de cracher sur cette littérature-là ? Ou bien n'ai-je rien compris à la poésie contemporaine ?

Concernant les autres prix ce que j'en pense, c'est que le 2ème n'est pas mal mais n'a pas grand chose à voir avec le thème suggéré, le 3ème est bien, les 5ème ex-equo, pas mal sans plus. Le tableau n'est pas si noir cependant, heureusement ! Je m'arrête sur le 4ème prix et vous comprendrez facilement pourquoi en le lisant c'est mon préféré et pourquoi c'est celui-là que j'aurais certainement primé en premier (malgré les coquilles et une ponctuation discutable) : un poème de Bernard Stimbre, qui avait d'ailleurs gagné un autre concours de poésie en 2007 (http://www.lapendulealenvers.com/index.php?ID=18). Bravo à lui !

.............................................Eloge de l'autre mort

Sa boutique d'euthanasie, c'est la mode du dernier cri.

La patronne Anasthasie, vend du laisser-passer hors d'ici.
Finissez de broyer du noir, des over-doses de désespoir,
Voici des bouillons de onze heures, qu'on peut prendre à toute heure,
Pour qui veut sa pipe casser, se payer le voyage aller.
Un instant de lucidité, privilège de sa liberté,

Voici des Indes le sati, des Japonais l'hara-kiri.
Nos fenêtres sont à guillotines et nos cartouches à chevrotines.
Et nous soldons toute l'année, sans carte de fidélité,
Pour faire passer vos enfants, offrez les jolis mistrals perdants.
Nous avons les barbies-turiques, si vous avez la fille unique.

Jamais cette vieille maison ne connut de réclamation,
Pas de cure aux funérailles c'est bien fini, c'est sur des rails,
Horaires-des-passages sous train fauteuils branchés sur 920.
Coup de blues, mauvaise ivresse, oublies (sic) vos feux de détresse,
Grands timides soyez lucides : offrez-vous donc un grand suicide.

Le Panthéon-des-désespérés vous fera enfin exister.
Prenez de l'avance sur le temps pour mourir de votre vivant.
Toutes nos lames sont de Tolède, notre cigüe vous rendra raide.
Si c'est pour un chagrin d'amour, le poison Borgia court toujours.

Sus aux faibles ecclésiastiques, aux pompes à fric thérapeutiques
Sachez bien tristes politiques, de ma mort je me veux le libre-arbitre
Pour être sûr de ne pas me rater, je me pendrai à un noyé !
Sa boutique d'euthanasie, c'est la mode du dernier cri.

La patronne Anasthasie, vend du laisser-passer hors d'ici.

***

A mon avis, parmi la centaine de poèmes, d'autres auraient largement mérité d'être distingués...mais les concours, c'est comme les élections présidentielles, au fond, on est toujours un peu déçu des résultats...


Bilan 2008 : http://www.printempsdespoetes.com/?rub=programme&page=78
Concours 2009 : http://www.printempsdespoetes.com/?rub=programme&page=53

Composition du Jury 2008 :

  • Donatella SAULNIER auteur, traductrice, directrice de l’association littéraire L’hippocampe associé.
  • Pierre BAURIN directeur de la Bibliothèque municipale Charlotte Delbo, Paris 2°
  • Harold DAVID, directeur artistique d’une « Saison de Lecture ».

lundi 16 juin 2008

STATUES K.O...

survol poétique de quatre statues parisiennes
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J'ai eu le déclic en voyant le passe-muraille, sculpté par Jean Marais (1989), rue Norvins. Il s'agit d'une statue représentant le célèbre personnage de Marcel Aymé, Dutilleul. Des hordes de touristes s'enhardissent à toucher la main de la statue, j'ignore pourquoi. Disons qu'elle est facile d'accès. Il suffit qu'il y en ait un qui commence et la légende naît, d'un simple effleurement, usant et lustrant le bronze. Je ne vous présenterai plus Victor Noir. Sculpté par Dalou (1870), il fait le bonheur des agalmatophiles (nom donné aux individus qui éprouvent une attirance pour les statues). Lui, c'est son érection qui fascine les dames. La charmante penseuse au chapeau d'Andras Lapis (peu d'infos sur cet artiste hélas) se trouve devant l'Institut Hongrois rue Bonaparte et celle de Montaigne rue des Ecoles : avec lui, il paraît que les étudiants prennent leur pied aux exams...étrange, non, ces superstitions ?

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Silhouette oblongue sortant d'un mur
Pas une seule âme n'y murmure,
Lorsqu'à Montmartre on serre sa pince
Le Passe-Muraille a le rire qui grince :
Ses doigts grêles frottés de mains avides
S'usent au fil du temps qui l'oxyde...

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Victor, pauvre gisant de bronze et de veines
Ton corps bleu est bien lustré au niveau de l'aine
Tes lèvres délicates luisent de baisers volés
Car des filles perdues te chevauchent, excitées :
Pour être fertiles elles lissent aussi tes pieds;
Esclave de leurs mains, c'est ta perpétuité !
*
*
Michel de Montaigne, vous avez bien écrit :
"Il faut limer et frotter sa cervelle à celle d'autrui".
Gageons qu'en lustrant si fort votre savant soulier,
Les étudiants de fac désireux d'y briller
Puissent cueillir un peu de cette intelligence
Qui semble tombée bien bas, malgré votre prestance !
*
*
Demoiselle au chapeau, que pas un vert ne grise,
J'admire ta posture si gracieuse et assise
A croire que tout ce corps est entier caressé
Par les mains baladeuses de passants enchantés !
Quelquefois j'imagine dans mes rêves interdits
Que tu attends là celles qui te donneront vie...
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lundi 9 juin 2008

LUX EROTICA


Avec le concours du Studio Affects, je suis fière de vous annoncer, parallèlement à celle d'Artemisia (par NayaBé) et Anaheim Police District (I) (par Iguel), la parution de mon recueil de poèmes "oulipérotiques", intitulé LuX Erotica, et illustré par Rill-Ao. Sous forme de livret, LuX Erotica contient une sélection de 19 poèmes dont 18 inédits sur ce blog. Les commandes peuvent se faire via le site du Studio Affects (prix : 5€ dont 1,50€ de PAF). Les textes sont, comme vous vous en doutez, très fortement inspirés de l’Oulipo (OUvroir de LIttérature POtentielle) ! Le trait de Lisa aka Rill-Ao se situe quant à lui entre plusieurs influences, allant du manga à Hugo Pratt. Vous pouvez admirer ses superbes planches sur ses pages web Lisa ou Rill-Ao. Bonne lecture !

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mercredi 4 juin 2008

Tiens, étrange, une enseigne inachevée...(Paris XXème)

Grands : je m'y sens bien malgré mon mètre soixante,
Suprême : je la préfère en être qu'en civile accusante
Hommes : j'y suis sensible dans une certaine mesure...
Récréation : j'y joue encore mais en littérature !
Rois : j'aurais aimé y briller en costume...
Immeubles : parfois je sème leurs pavés de plumes,
Martiale : j'y militerais pour interdire les guerres
Cassation : je n'y condamnerais pas l'usage des vers
Miracles : je n'y traîne plus que des rêves perdus,
Comptes : j'apprécie plutôt celle des contes rendus !