mardi 22 juin 2010

MAISON ABANDONNEE A NAMUR
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Namur, dimanche 20 juin 2010, 17h45. J’ai une heure ou deux à tuer avant de prendre le train pour Bruxelles à destination de Paris. Mon amie M-E, qui connaît mon goût immodéré pour l’exploration urbaine, me dépose en voiture devant une étrange maison abandonnée à quelques pas du Casino, face à la Meuse.

La vision de ce portail entrouvert, suintant de rouille, ne me dit rien qui vaille et la sinistre maison barricadée à son entrée semble observer les passants de ses yeux étranges, la végétation luxuriante du jardin semblant peu à peu recouvrir sa façade à l'aspect léprosé.

En dépit de l’aspect général peu engageant, je décide pourtant de parcourir les quelques mètres qui mènent à l’escalier de pierre noir recouvert de lierre. Je fais d’abord le tour. Des sacs pleins d’ordures semblent indiquer que la maison était encore occupée depuis peu…peut-être par des squatteurs ?

La maison semble totalement hermétique, mais c’est vers l’arrière, après avoir passé une porte-fenêtre surmontée d’un petit abri vitré en fer forgé et passé quelques ronces, que j’aperçois des vitres cassées offrant une vue peu ragoutante sur une cuvette de WC remplie d’immondices. L’endroit est sombre et sale et, peu rassurée, je commence à me dire que je ferais mieux de me carapater…

Je regagne donc la terrasse côté sud. La véranda en fer forgé accolée à gauche de la maison attire tout particulièrement mon attention. Le silence pesant, ajouté au ciel blafard et au froid, n’invite pas à s’attarder…c’est au moment où je décide de filer que je vois une chaise, que je n’avais pas vue au premier abord, cachée par la végétation. Je grimpe sur la chaise, la fenêtre est ouverte…mon cœur commence à battre un peu plus fort : j’y vais ? j’y vais pas ? La curiosité prend le pas sur le malaise et l'appréhension. Je tapote avec mes ongles la vitre pour voir s’il y a quelqu’un. Pas de réponse. J’entre dans la baraque.

Le plafond et ses moulures s’écaillent, mais la partie la plus belle reste la véranda, avec son carrelage ancien et sa structure en fer forgé. Sur cette photo, on dirait que de grands crucifix rouillés structurent l'ossature.

Quelques tags, des pochoirs aux visages grimaçants témoignent certainement du squat et des fêtes clandestines organisées par des ados en mal de sensations fortes, faisant écho à ce masque blanc fantômatique suspendu au dernier étage, à peine éclairé par la lumière des combles.

Pochoirs de pochtrons...

Au bas de l’escalier en bois qui conduit aux trois étages, la présence d'un monte-escalier trahit l’état de l’occupant précédent, sans doute une personne invalide et âgée au vue de l'ancienneté des tapisseries. L’atmosphère dans cette maison est assez pesante, voire étouffante.

En réalité, l'endroit est beaucoup plus sombre.

Au rez-de-chaussée, la maison est plongée dans une quasi-obscurité, certaines pièces baignant dans le noir le plus total. Je n'ose pas m'y aventurer, laissant avec frustration derrière moi quelques portes closes. Au cours de ma visite, je marche très lentement et respire à fond de pièce en pièce, guettant le moindre bruit comme pour ne pas réveiller d'hypothétiques entités invisibles.

Des plantes parasites, toiles d'araignées, cadavres de bouteilles vides, tas de déchets, boîtes de conserve rouillées, morceaux de miroirs brisés, quelques vestiges de papier et de tissus souillés constituent le décor apocalyptique et désolant d'une demeure dont la pestilence a remplacé toute trace d'humanité.

Ma seule rencontre avec un être vivant restera celle de ce chaton poussiéreux découvert au grenier, dont le regard triste m’a serré le cœur.

Au fil de mes explorations, je me demande toujours ce qui peut justifier l’abandon d’aussi belles demeures. Dans ce quartier résidentiel d’une des plus belles villes wallonnes, cela paraît incroyable. Je ne peux m’empêcher de penser que seul un drame peut expliquer le fait que la maison n’est pas à vendre et que personne ne semble s’en soucier. En effet, aucun panneau n’indique qu’il s’agit d’une propriété privée, pas de trace explicite non plus d’interdiction d’entrer ou d'avis de chantier…Fantasme ou réalité ? La porte d’entrée de la maison a des yeux…comme celle d'Amytiville. Les planches qui la musèlent continueront sans doute de préserver ses secrets pour longtemps...à moins que quelqu'un qui passe par là ne lève le voile...l'appel est lancé !