lundi 31 mai 2010

LE PAPE DES POUPEES

Trop de choses à gérer en parallèle de ce blog font que ce dernier tourne au ralenti ! L’occasion pour moi de refaire surface ici se présente puisqu’avec la sortie officielle du livre de Gérard Lavalette aka Le Piéton de Charonne et le vernissage de son exposition ce soir à la Mairie du 11°, il m’est permis de publier un avant-goût de ce que renferme l’ouvrage. Au programme, des photos du fameux Piéton du 11ème, assortis de textes pour les légender. Je remercie par là-même celui que j’appelle « Géhel » de m’avoir proposé de poser une pierre à son édifice, fruit d'années de déambulations et rencontres parisiennes inspirées. Voici le texte écrit pour lui en illustration d’une photo qui m’a profondément intriguée…je suis passée devant cette boutique il y a peu - avenue Parmentier - elle était fermée, mais j’espère bien papoter un peu un jour avec Henry Launay pour voir si mes « intuitions textuelles » à propos de ce personnage hors du temps ont été les bonnes. Une autre photo de Gérard ici.

Le montant de la vente de livre sera intégralement versé à l’association «La photothèque des jeunes parisiens – Parimagine ». D'autres auteurs ont contribué à accompagner les photos de Gérard, je vous invite à aller les découvrir...

Au milieu de ses ouailles rustiques et démantibulées, le Pape des Poupées semble veiller sur elles comme sur ses propres chérubins : dans son cabinet de curiosités, il fait de la chirurgie plastique…Peut-il aussi réparer un cœur brisé ? Lui suffit-il d’un coup de tournevis pour lui rendre sa vertu ? J’aime à croire que sa mécanique fait palpiter l’âme de ces clones miniaturisés, tant de fois rêvés par les petites filles, aussi sûrement que leurs faces burlesques renferment les visions d’horreur d'un lieu imaginaire peuplé de fantômes. Dans cet enchevêtrement de membres nus, des têtes de guingois empilées sur les étagères fixent de leur œil de plexiglas le comptoir de la boutique. Elles appartiennent à des mannequins de résine victimes de la mode d’une époque ; russes, elles s’imbriquent les unes aux autres comme les pièces d’un puzzle : le corps de l’humain et ses facettes ; vaudous, leur peau factice est piquée pour épingler à petit feu leurs doubles vivants.
***
Toute cette bimbeloterie s’expose en pièces éparses, reliques emplies des mots d’un passé mystérieux qui, sous la houlette de l’artisan rompu à leurs rouages, continuent de vivre à travers tous les âges. Absorbées dans une espèce de mutisme obstiné. Elles me font penser à des poulpes lisses, dont le pouls se grefferait sur celui du môme qui les serre contre son cœur. Ce même môme, devenu adulte, se souviendrait peut-être des soins et de l’affection qu’il a porté à ses doudous devenus chair et sang sous les traits de ses propres enfants. Tantôt objets déco, tantôt objets d'égo, ces jouets immémoriaux évoquent à la fois la cave et le vieux parfum, le tissu mité et le bois qui craque, les secrets de famille et les bris de porcelaine, imprégnant l’étrange officine d’une poudre au goût d’éternité.
***