dimanche 25 novembre 2007

La vie triste des vitrines


Les vitrines du Printemps ont pris ces jours-ci les couleurs de l’hiver. Un véritable éventaire de neige, de rennes, de renards et de princesses s’étale sous nos yeux boulevard Haussmann : autant de mises en scènes prisonnières de leurs quelques mètres carrés couleur ivoire. La femme de résine résignée arbore un visage maussade derrière la transparence glacée d’une vitre un peu sale, souillée par des traces de doigts avides. Observez bien ces attitudes, et vous verrez ainsi quelques clichés, peut-être, de la femme dans l’imaginaire collectif de notre société consumériste. Les poses sont lascives, engageantes, et les silhouettes semblent figées dans une espèce d’attente-attentat à la pudeur du compte en banquise, dans un climat de convoitise où le porte-monnaie ne demande qu’à s’ouvrir en une fente impudique. Derrière leur paroi de verre, tout en poils et strass, ces pantins aux effets minés semblent fixer le passant lambda dans un déploiement de luxe et de volupté. Condamné à ne pouvoir lécher que la vitrine, la salive perlant aux commissures, il ne pourra sans doute jamais s’offrir ne serait-ce qu’une broche de leur toilette. Mais le passant ne voit pas les symboles.

*

Il y a une femme qui trône à sa table d’apparat, seule au milieu du cristal étincelant, et qui semble rêver du prince charmant sans trop y croire avec ses jambes croisées comme pour préserver sa virginité. Il y a une blonde odalisque allongée sur un lit de satin et de plumes : porte-t-elle les cornes de la femme trompée ? Il y a la reine des couettes qui semble murmurer : « Je suis là, libérez-moi de mes tresses », emprisonnée dans une toile savante en cheveux de polyester. Et puis la reine des chouettes, hautaine, toise les trottoirs, parfaite allégorie de la dame blanche : pureté factice. La pin-up sur fond de néon rouge nous nargue de sa pose aguicheuse : l’imagine-t-on faire un strip-tease de derrière les fagots de Noël ? Tombée de sa chaise argentée, assise sur le sol et les jambes écartées, la blonde en noir semble abandonnée au beau milieu des paillettes, tandis que la poupée rousse, le visage d’une tristesse infinie, déplore probablement que le fatras d’ampoules qui la surplombe ne l’éclaire pas sur sa condition de femme-objet. Jules Lévy a dit de la femme qu’elle est une « rose qui prend parfois deux "s" ». Je répondrai de l’homme : « Pistil un jour comprendre qu’il est à la fois la graine et les pétales de la femme, que tous ces états mine. »

Toutes ces poupées si bien apprêtées ont un point commun flagrant : elles ne sourient pas. Je me demande bien pourquoi la représentation de la beauté dans la mode actuelle passe forcément par une absence totale d’expression. Le mannequin mort-vivant et famélique (femme et loque ?) doit-il s’effacer, surtout ne pas montrer ses émotions, afin que ceux qui le regardent ne se focalisent que sur la tenue qu’il porte ? C’est plausible, mais triste. Triste vitrine d’un monde où l’humain tend de plus en plus à disparaitre sans la "part être".*

* d'autres photos visibles chez Tat et Francis.

14 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci pour la mise en lien un peu rapide, CXL, puisque je n'ai pas encore montré mes images !
Comme d'habitude, billet impeccablement écrit et qui résume bien la "vitrine" triste de la pub... Cette année, même les animations pour enfants semblent atones...

Paris-émoi

Chrixcel a dit…

Comme tu l'avais annoncé chez Tat, j'ai pris les devants^^ - j'imagine que tu les mettras de toute façon en ligne un jour où l'autre; par contre, je n'ai pas d'éléments de comparaison par rapport aux années précédentes... les animations m'ont semblé plutôt rigolotes et bien faites dans l'ensemble...

Anonyme a dit…

C'est pas la fête, en effet ! En tout cas ça ne me fait pas rêver...
Mais j'aurai sûrement l'occasion d'y passer faire des photos...

Toujours superbement écrit ton article.

Bonne journée Chrixcel

Anonyme a dit…

Le texte est superbe !!! Il colle à merveille avec les femmes que j'ai vu dans ces vitrines.. tu as oublié les traces de lèvres sur les vitres ;)) Bien vu les plans d'ensemblke, j'ai choisit de spalns sérrés ;) Merci pour le lien...

Anonyme a dit…

Ces vitrines sont tellement tristes que je n'ai vraiment pas envie de shooter, ni d'acheter d'ailleurs ;-)

Anonyme a dit…

J'ai tendance à toujours trouver que la séduction se trouve dans l'expression et ma foi, ces poupées me font le même effet que la tête de cochon sur l'étal du boucher.

Anonyme a dit…

C'est rien ça ! De là tu vas comme si tu allais à Surcouf, sur le trottoir d'en face, et à hauteur des Galleries Lafayette ou pas loin, tu as une boutique où les mannequins sont allongés par terre ! La tête recouverte par les cheveux.
En passant à coté j'ai cru à une nana qui s'était écroulée.
Les fringues de luxe donnent une impression de personne défoncée à l'alcool ou à la drogue, en train de gerber, ou venant de se suicider.

Joyeux Noel Felix !

junospinkblog a dit…

aaaaaaaaaaaaaaahhhhhh
ca fout carrément les jetons eh !!
j'ai bien fait de pas aller les voir !

Anonyme a dit…

:-)
Grand sourire d'un bout à l'autre de la lecture. Beau texte et jeux de mots savoureux. Une délectation.

Mais heureusement qu'il s'agit de vie et pas de chanson. Sinon le titre fut devenu 'Lala triste des latrines'...

Lunaba a dit…

reste le vivant vibrant et pétillant ;) est-ce là le fossé incommensurable entre la chair et le plastique...

[chaque billet de toi me suprend, et m'interpelle, j'aime venir ici]

Chrixcel a dit…

P@sc@l> en effet, il faut au moins y aller pour voir tous les détails de plus près ! merci de ton passage :)
Tat : merci, moi j'aime bien tes close-ups
Henri> ouais mais toi t'aime pas ce qui est statique ! alors le statique en plastique...
Naya > avec le persil autour ? mmhmmhm
Oken> nan pas possible ? j'ai pas vu celles-là, non !
Zecoco> ouais la flippe totale, j'aimerais pas en avoir chez moi :)
Frez > *merci* toujours le bon mot qui fait rire !
Lunaba> si je tétonne, chair Lunaba, alors là je suis comblée !

Marraine a dit…

Belle et triste description, mais si réelle, merci pour ces mots, presque des maux, non?

Anonyme a dit…

Crystal,
On pourrait très bien s'écrire dos à dos sur la grande cascade. Il se pourrait que j'arrive en retard pour te trouver déjà accroupie sur la roche hideuse. Je pourrais toujours constater que tu sais trop bien t'absenter. Le bois de boulogne pourrait ce soir là se passer de soleil et de raison. Il se pourrait que je m'accroupisse dos à dos à toi sur la roche hideuse. Il se pourrait que tu regardes vers les lumières de suresnes. On pourrait oublier le temps. L'étang du reservoir pourrait se rapprocher puis s'effondrer. Je pourrais glisser dans tes mains un carnet et un crayon. Il se pourrait que sur le papier froid tes mains fassent chanter d'angéliques lueurs et que ces dernières se déversent et s'empilent en strates pour de bon. Je pourrais très bien ne jamais revenir ici. Je pourrais adorer rester l'ombre de ton ombre. On pourrait silencieux d'extase inspirer toutes nos heures avec emphase. Je pourrais très bien sentir tes lignes se crisper et se tendre. On pourrait enfin ne plus communiquer. Tu pourrais me passer l'alphabet de la main à la main. Je pourrais très bien sentir tes lignes se crisper et se tendre. Du monde nous pourrions avoir le vertige. Les conifères pourraient être nos flambeaux. Tu pourrais regarder les feux de la ville. Je pourrais à tout prix me rendre inutile. Tu pourrais discerner mon souffle régulier du fracas des eaux. Cette nuit au bois de boulogne pourrait encore rester calme. Nous pourrions devenir commensaux. Je pourrais te proposer la grande cascade et sa nage de homard bleu à la réglisse. Tu pourrais préférer le châlet des îles et son pianiste déconcertant. Mes mots pourraient très bien se déplier se déployer puis s'effacer. Je pourrais te passer les lettres de la main à la main. Nous pourrions nous passer d'un tête à tête. De mes courbes manuscrites tu pourrais faire d'amples libations. Un couple d'échangistes pourrait très bien se méprendre et puis s'impatienter. Nous pourrions très bien tromper l'ennui. Il se pourrait que je vienne sans billet d'absence. Tu pourrais me passer les strophes de la main à la main. Je pourrais très bien sentir ton dos se crisper et se tendre. Tu pourrais très bien t'en tenir à la surface. Nous pourrions être aveuglés par l'obscurité de nos paupières closes. La route de la grande cascade pourrait très bien ne plus jamais mener ici. On pourrait sentir le bout de cette fête bruyante et bizarre se fendre. Nous pourrions ne pas nous retrouver tels quels. Il se pourrait que je regarde vers le phare de la tour eiffel. Il pourrait y avoir une réponse à tout et même au silence. On pourrait très bien se lire dos à dos sur la grande cascade. Je pourrais te passer le crayon de la main à la main. Le ciel pourrait ne pas pleurer pour une fois. Il se pourrait que je n'ose plus pendant des mois. Tu pourrais tout de même trembler un peu. Je pourrais rester dans l'ombre de ton ombre. Rien ne pourrait nous arriver. On pourrait très bien le lendemain vider les poubelles comme chaque matin. Il se pourrait que la nuit soit calme. Je pourrais très bien avoir un peu peur. Tu pourrais te perdre dans les lumières de suresnes. Le bois pourrait pour une fois se passer de soleil et de raison. On pourrait peut etre enfin ne plus communiquer. La route de la grande cascade pourrait ne plus mener nulle part. Je pourrais enfin déguster ton inutilité. Tu pourrais tarder à me passer les vers de la main à la main. Nous pourrions nous passer du temps. Il se pourrait que l'on soit dehors aussi bien que dedans. On pourrait très bien sentir nos lettres se crisper et se tendre. On pourrait sentir la fin de la nuit approcher. Les travestis pourraient très bien nous envier. Il pourrait y avoir un trou dans l'eau qui dort. On pourrait entendre les navires pousser leurs soupirs. On pourrait très bien dos à dos au sommet de la grande cascade accroupis sur la roche hideuse ne rien se dire. Les souvenirs pourraient très bien raccourcir. Nous pourrions nous passer les paragraphes de la main à la main. Tu pourrais sentir les a priori se refermer et se resserrer dans le décor. On pourrait très bien se détacher et se diriger vers les grands désirs muets. Il pourrait alors être l'heure des grands départs dans l'autre sens. Tu pourrais faire comme si c'était toujours décembre. Je pourrais enfin me rendre inutile. Tu pourrais toujours regarder les feux de la ville. Il se pourrait que vienne le temps de la dernière danse. Des nuits on pourrait n'en avoir plus beaucoup. Tu pourrais voir l'aube claire s'allonger sur les conifères. Je pourrais t'écrire cette lumière absinthe. Tu pourrais sentir mon souffle régulier à côté. Il pourrait y avoir un risque de voir les pages éclater et se fendre. Le bois pourrait se passer de soleil et de raison. Je pourrais te passer le crayon de la main à la main. Le ciel pourrait être blanc cassé. Les rimes pourraient enfin s'absenter. Loin de cette fête bruyante et bizarre la vie pourrait rester un dimanche sans fin. Nous pourrions devenir commensaux. Tu pourrais enfin effleurer mon inutilité. On pourrait très bien s'écrire dos à dos sur la grande cascade. Je pourrais garder les brouillons pendant mil ans. Tu pourrais très bien te passer de moi. Je pourrais très bien te passer les phrases de la main à la main. La nuit pourrait très bien se passer sans incident. Il se pourrait qu'en fin de semaine tu aies du temps. On pourrait très bien en rire dans mil ans. Le bois de boulogne pourrait ce soir là se passer de soleil et de raison. Il se pourrait que j'arrive en retard pour te trouver déjà accroupie sur la roche hideuse. La peur de l'autre pourrait nous frôler.Je pourrais très bien ne jamais revenir ici. Tu pourrais adorer devenir l'ombre de mon ombre. On pourrait enfin ne plus communiquer. On pourrait très bien se lire dos à dos sur la grande cascade. Il se pourrait que tu me dises au revoir. Il se pourrait que je te dise à plus tard. Il se pourrait qu'en fin de semaine tu aies du temps. On pourrait très bien s'écrire dos à dos sur la grande cascade.
Stan. ssstanissslasss@hotmail.fr

Chrixcel a dit…

Marraine> un peu de féminisme de temps en temps ça fait du bien !

Stan>
Il se pourrait que je ne sois pas toujours absente. Il se pourrait que le bois debout lorgne au fil de l'eau les souches qui jonchent nos chemins d'obstacles. Peut-être que nos dos à dos serviront de recto-verso à nos écritures. Peut-être que mon face à main me renverra ton image comme un reflet dans l'autre. Il est certain que la roche au visage merrickien en haut de la cascade est percée d'un rictus qui sera peut-être ton sourire. Il est possible que j'y réponde. Il est envisageable que les saisons n'aient plus cours et que je ramasse une feuille ocre et veinée sur le sol pour donner un nom au hasard. Ce sera une feuille de platane. Trouée, elle laissera passer des rais de craie et des rayons de crayons. Il y a des chances pour que l'on ne se rencontre jamais. Il est certain que je ne suis pas libre ce dimanche. Il y a des risques pour que l'on se croise un jour au détour d'un lac supérieur, d'ici une quinzaine. Il peut s'avérer que nous soyons faits du même bois. On pourrait croiser nos doigts en silence pendant une heure et se tenir la jambe pendant des plombes. Déjeuner des minutes, goûter des secondes, dîner des lustres. Nous pourrions manger du même pain. Nous pourrions nous regarder en chats de faïence et attendre la salve dégoulinante du premier qui rira. Nous pourrions ne pas pouvoir retenir des flots de mots qui éteindraient le feu des torches en sapin qui ne brûle pourtant pas bien. Mais tu pourrais ne rien avoir à dire. Ce pourrait être du vent. On pourrait prendre une douche froide et perdre son temps abominablement. Je pourrais n'avoir jamais goûté de homard bleu à la vanille mais préférer le voir nager dans du vin jaune. Au chalet des illusions, en dépit de la vue, je pourrais n'aimer le pianiste que s'il joue un prélude de Bach. Nous pourrions ne rien avoir à nous dire. On pourrait dessiner sur la nappe en attendant que les épines tombent des conifères et on pourrait tout aussi bien regretter meilleur poisson. Je pourrais avoir envie de lire tes lettres crispées. Je pourrais te laisser le bénéfice du doute. Je pourrais accepter de me tromper, et je pourrais rester à la lisière du bois à t'attendre. Il est possible que des ombres bougent autour de moi dans les buissons, et que je m'y cache. Je pourrais écrire des tartines et les tremper dans la bisque pendant que tu les manges. Nous pourrions ensuite dormir et rêver des abécédaires, où je me travestirais en quat(r)ain pour ne pas déparer dans la faune locale. Il se pourrait que la Tour Eiffel t'aveugle dans le froid hivernal et que tu ne sentes plus tes pieds car tu léviterais pour l'éviter. Nous serions susceptibles de déplorer nos témérités dans un vide absolu et effrayant. Cela ne pourrait pas durer toujours. Peut-être que ça s'arrêterait demain après tout. Que ça ne durerait que quelques heures. Nous n'aurions sans doute pas peur de quelques instants perdus qui n'engagent à rien. Ce ne serait pas grave. Peut-être que nous voudrons du tac au tac et que nous n'aurons que du toc toc dans nos joutes manuscrites. Il pourrait y avoir deux perdants. Ce ne serait pas grave. Tu pourrais aussi vouloir m'assassiner de tes lettres et m'enterrer dans un trou profond avec un linceul de papier. Les jours raccourcissent et les a priori aussi. Nos pas pourraient ne pas s'accorder et le bal pourrait très rapidement se terminer. Je pourrais écouter ton silence avec délectation et boire tes paroles avec amertume. On pourrait se quitter ennemis ou à demi comme cadeau de Noël. On pourrait devenir amis chemin. On pourrait se fendre d'un regard vers la lune. Il est probable que je n'aime pas le dimanche quand il pleut sauf en cas de cadavre exquis. Tu pourrais m'assassiner avec un pieu-crayon. La nuit serait sans aucun doute très calme.