Métro ligne 12, je rentrais chez moi. Je ruminais ma semaine pas très enthousiasmante, les gens pas très souriants au regard d’herbivores, la lumière des néons pas très agréable qui nous rendait blafards et tous ces « pas très » que j’avais envie d’envoyer paitre…pourtant, j’aurais bien aimé aller paitre quelque part, si toutefois paitre signifiait bien être en paix. Mais j’étais d’humeur vacharde et surtout en train de me demander si je n’allais pas prendre un de ces jours la clé des champs quand j’en aurai le courage et laisser derrière moi cette friche qu’était ma vie. Au bout d’un moment, dans le flux du troupeau qui s’agglutinait sous mes yeux, je levai mon regard vers le slogan publicitaire d’un site de vente sur Internet sur laquelle on lisait en caractères gras : DEVENEZ RADIN.
Un impératif qui semblait signifier qu’en ces temps de crise le fait de vouloir faire des économies s’assimilait à de la pingrerie. Une propagande stupide qui parlait aux stupides. Dans une société excessivement individualiste où les mots « pouvoir d’achat » étaient devenus le seul credo d’un gouvernement en faillite, cette réclame avait quelque chose de déplacé et de honteux. J’imaginais les mendiants réfugiés du métro passer de wagon en wagon avec au-dessus de leur tête ce cri de ralliement qui suggérait agressivement aux usagers de devenir radins. Parce qu’on vit parmi d’autres individus, on est toujours le rat d’un autre, mais on oublie souvent que l’on peut subitement se trouver en rade un jour. Et cette formule de pubeux ne voulait rien dire.
Puis, je vis une main rapide s’emparer de l’affiche pour la retirer de son socle. Un homme jeune, dont le visage en alerte et l’expression narquoise détonnait parmi les ectoplasmes de la rame, replaça l’encart qui ne comportait plus que le mot DEVENEZ. Devenir, promesse d’avenir. Je souriais, presque heureuse de contempler là l’écho de mes atermoiements existentiels, tout en percevant avec une acuité toute nouvelle ce message d’appel à la conscience. Dans ce seul verbe, il y avait tout l’espoir et tous les sens de notre venue au monde. Et peut-être que tout simplement, ce seul verbe, ce verbe seul même, était la clé de tout.
Un impératif qui semblait signifier qu’en ces temps de crise le fait de vouloir faire des économies s’assimilait à de la pingrerie. Une propagande stupide qui parlait aux stupides. Dans une société excessivement individualiste où les mots « pouvoir d’achat » étaient devenus le seul credo d’un gouvernement en faillite, cette réclame avait quelque chose de déplacé et de honteux. J’imaginais les mendiants réfugiés du métro passer de wagon en wagon avec au-dessus de leur tête ce cri de ralliement qui suggérait agressivement aux usagers de devenir radins. Parce qu’on vit parmi d’autres individus, on est toujours le rat d’un autre, mais on oublie souvent que l’on peut subitement se trouver en rade un jour. Et cette formule de pubeux ne voulait rien dire.
Puis, je vis une main rapide s’emparer de l’affiche pour la retirer de son socle. Un homme jeune, dont le visage en alerte et l’expression narquoise détonnait parmi les ectoplasmes de la rame, replaça l’encart qui ne comportait plus que le mot DEVENEZ. Devenir, promesse d’avenir. Je souriais, presque heureuse de contempler là l’écho de mes atermoiements existentiels, tout en percevant avec une acuité toute nouvelle ce message d’appel à la conscience. Dans ce seul verbe, il y avait tout l’espoir et tous les sens de notre venue au monde. Et peut-être que tout simplement, ce seul verbe, ce verbe seul même, était la clé de tout.
18 commentaires:
J'ai zappé cette pub, bien que je passe mon temps dans les transports, donc je ne peux pas faire de commentaire la dessus. Maintenant j'imagine que le jeune homme qui a enlevé l'affiche doit sûrement donner toute sa paye aux pauvres et héberge quelques familles sans logement chez lui? Nan? ;-)
J'ai vu ces deux mots en gros "Devenez radins" mais pas plus interressée, je ne sais pas à quoi ça correspondait.
Et puis, si on parle de le devenir, ça veut probablement dire qu'on ne l'est pas. ;)
Il y a aussi des personnes qui ont retiré les lettres "R" et "I" au mot radin ;))))
"devenez" ou "soyez", des invitations tentantes vu qu'on peut y adjoindre ce qu'on veut. Et qui restent visiblement de grands rêves aujourd'hui, tant on semble peu être ce que l'on souhaiterait.
quelle belle fin jolie môme :)
Henri> en fait,je ne pense pas que ce jeune homme voulait dire qu'il fallait qu'on donne toutes nos économies au nécessiteux ! il s'est simplement servi de cette pub comme support pour faire passer son "appel à la conscience", qui à mon avis n'a rien à voir avec les cordons de la bourse^^
Leabulles > c'est très certainement vrai, et c'est plutôt rassurant de partir de ce postulat que l'homme au naturel est généreux et qu'il est corrompu par la société de consommation !
Tat> j'ai vu ça aussi, mais franchement je ne vois vraiment pas ce que ça veut dire, quelqu'un a une réponse ? ça m'échappe...
Frez> hélas, Frez, je rejoins la cohorte des êtres qui aimeraient bien devenir mais qui parfois pédalent un peu dans la semoule :)
Lunaba> belle finalité, oui, aussi ;-)et toi, qu'est ce que tu deviens ? Drôle de question qui est passée dans le langage courant...
C'est le 2ème annonceur qui propose d'être radin....
J'ai vu aussi "devenez ADN" en retirant le R et I...
et ce soir: "ne dépensez pas, pensez!"
Désolé de poster en anonyme !
Paris-émoi
cette pub m'avait marqué moi aussi, je n'aime pas du tout ce slogan, bravo à ce voyageur inconnu, magicien des mots!
J'ai vu le même, en parti passé au marqueur :
"Devenez A D N"
minister.com
Un parisien devenu radin
Qui n'avait pas le temps
Et qu'il ne fallait surtout pas destabiliser
Ramenait lentement
Des corps autour de lui
Des poètes le regardaient
Sur le chemin du travail
En lui jetant parfois
De vieux mots abîmés
En bas
Dans le métro
Les femmes lentement
Se paraient pour la nuit
Ce parisien devenu radin
Qui n'avait pas le temps
Et qu'il ne fallait surtout pas destabiliser
Chassait pour sa famille
Il se donnait des noms de guerre
Il ramenait des hommes couchés sur des charrois
Et il suivait les commerces qui allaient à la seine
Laver leur linge rouge
Un couteau sur le coeur
Il renversait les loups sur des tables de maître
Et il crevait les yeux des oiseaux de passage
Il ne voulait d'autre nom que la célérité
Au sortir des forêts
Il effaçait ses traces
Et quand sortaient les chiens
Il faisait tous ses crimes
Alors la nuit venait dans sa peau grande ouverte
Et les couteaux séchaient sur de grands linges blancs
Quand il lui arrivait d'échapper au désastre
Il descendait au port
Parmi les ravissements
Et alors il voyait les grands appareillages
De retour sur son lit
Il écrivait un livre d'une haute écriture
Il préparait les pluies des grandes fins du monde
Et la venue certaine des grands déchirements
Alors il s'apprêtait à recevoir les corps
Dans cette capitale
Il y a des chambres basses
Où des parisiens devenus radins se retiennent de mourir
Ils n'ont plus le temps
Il ne faut surtout plus les destabiliser
On raconte qu'ils travaillent à l'usure de ce monde
Souvent
On les entend pleurer
Ici
On peut voir le temps de dos
Et on inhume debout
Les parisiens savants
Les animaux portent tous étoiles et couteaux
Et ils tracent parfois des signes sur la neige
Ils ne dorment jamais
Et ils disent que demain la mer va se vider
La nuit
Ils tendent aux changeurs d'esprits leurs poitrines confuses
Tout le monde se dresse au bord du sang
Tous ceux qui ont vu cette publicité
Devenus radins
Abandonnent la vue
C'est ce qu'ils appellent
Séduction
Dépêchez vous
Stabilisez vous
J'ai vu l'égoïsme et la certitude au bord du monde
Et dans le tombeau vide
Le couteau oublié sur le cadavre du temps
ssstttaaannniiissslllaaasss@hotmail.fr
Paris-émoi, Marraine, Oken> c'est bien que cette pub fasse réagir, je trouve ça rassurant :)
Sssss > Dans la cohorte des hommes blessés
Il en existait un qui ne voulait pas.
Ou plutôt, il ne désirait qu'une chose,
Ce qui était son obsession, sa névrose.
Souvent il restait là, station Opéra,
A ne pas vouloir, debout sur le quai.
Rien ne le faisait frissonner
Pas même le bruissement d'un rat
Pas même les souffles qui soulèvent les interdits
Avec ces jupes fluides des femmes en frous frous
Tout cela le laissait coi, hagard, abasourdi.
Il se sentait tout petit...
Au plus profond de lui, pourtant, des remous
Faisaient se distordre son visage impavide
On le voyait alors se relever, aller tout au bord
Au delà de la ligne jaune, défiant la mort
Et toujours quelqu'un le retenait de ce pas vers le vide.
Il redoutait ces interventions chirurgicales
Qui le laissait à coeur ouvert, ce coeur qui voulait bondir, à mal,
Et qu'on retenait au dernier moment sans crier gare,
Alors même qu'il pouvait s'échapper de sa cage avare...
Il aurait voulu se mêler aux corps des gars, des os,
Laissés au fil des rames des désespérés
Il aurait voulu faire couler son sang, dégâts des eaux
Sur ce réseau veiné des trains qui crissent, pour ne pas se rater
Il restait sur son ponton changé pour devenir vite, pour devenir enfin
Parce qu'il ne voulait plus rien.
Il n'était pas au monde parce qu'il n'était pas né
Il était l'infini. Individu infini, que peux-tu désirer,
Si tu n'as ni commencement ni fin ?
Il criait aux passants : "je suis un nain fini,
Regardez-moi, je ne veux rien, je veux seulement me terminer !
Terminus de la vie, à la station qui m'opéra, où es-tu ?"
Il lançait des bouteilles à l'amer, mais demeurait in situ
Personne n'écoutait ses appels, et il n'y avait pas d'avenir
Sans amour de la vie, sans amour d'une mie, sans désir.
Un jour peut-être, se disait-il, je ne ferai plus qu'un avec ce monde
Il sera enfin érodé et je tomberai alors de cette sphère moribonde
Et je ferai partie de l'univers, et j'y verrai plus clair
Et je trouverai les choses belles, les femmes séduisantes
A posteriori, oui, il sera sûrement trop tard : mais dans la tourmente
Des souvenirs de ce qu'était la terre, j'aurai oublié cet enfer.
Quai du louvre
On vient de sortir un noyé
C'est un poème
Il n'a pas été écrit à temps
On voit ses neuvains et la chair blanche
Ses rimes embrassées sont bleues
On dirait qu'elles cherchent à serrer quelque chose
Il a encore ses pieds blancs
Quelqu'un l'a vu se jeter du pont neuf
En allant pas vers l'eau
En allant vers tout ce qui lui manque
C'est un très jeune poème
Il a n'a pas été écrit à temps
Il a encore ses pieds blancs
Des critiques en uniforme l'ont roulé dans une toile
En parlant d'autre chose
Dans leur hâte
Ils avaient oublié un pied presque neuf
Je l'ai porté à notre dame
Qui est si proche du pont au change
ssstttaaannniiissslllaaasss@hotmail.fr
Christelle, le poème ci-dessus souffre d'une belle faute d'orthographe. Au dixième vers, il faut lire "En n'allant pas vers l'eau", en lieu et place de "En allant pas vers l'eau". Je te présente mes plus sincères excuses pour ce lapsus calami.
ssstttaaannniiissslllaaasss@hotmail.fr
Quai du louvre
On vient de sortir un noyé
C'est un poème
Il n'a pas été écrit à temps
On voit ses neuvains et la chair blanche
Ses rimes embrassées sont bleues
On dirait qu'elles cherchent à serrer quelque chose
Il a encore ses pieds blancs
Quelqu'un l'a vu se jeter du pont neuf
En n'allant pas vers l'eau
En allant vers tout ce qui lui manque
C'est un très jeune poème
Il a n'a pas été écrit à temps
Il a encore ses pieds blancs
Des critiques en uniforme l'ont roulé dans une toile
En parlant d'autre chose
Dans leur hâte
Ils avaient oublié un pied presque neuf
Je l'ai porté à notre dame
Qui est si proche du pont au change
ssstttaaannniiissslllaaasss@hotmail.fr
Sans le radin c'est beaucoup mieux... je n'aime pas non plus le reste de cette pub qui enlève tout le charme des cadeaux...le plaisir est de recevoir (et pas forcément ce que nous souhaitons)...les jeux de mots sur "rat..." sont épatants!
Me promenant de blogs en liens, de liens en blogs, me voici aujourd'hui chez toi...
Je vais donc négocier avec Maître Temps, pour que du temps il me laisse afin de m'y promener...
Métro ligne 12 :
Très certainement est ce pour tous ces "pas très" et ces stupides parlant aux "stupides", que très souvent j'aimerais moi aussi prendre la poudre d'escampette...
Mais voilà, il y a parfois au détour d'un chemin, des textes comme les tiens ou des sculpteurs d'affiches pour que je vois encore un peu "la terre" dans l'espoir d'un devenir !!!
Vanessa,je suis tout à fait d'accord avec toi...tout la spontanéité s'en va avec ce terrible mot de radin. Bravo pour avoir décelé les jeux de mots !
Leyline> nous sommes sur la même longueur d'ondes...ou la même rame, ligne 12, tu écris le 12 janvier et je te réponds le 12 mars^^...mieux vaut tard que jamais...
Bonjour! j'ai moi aussi réagit a cette pub et je vous invite a consulter ce petit blog avec quelques photos de mes réactions www.soyezpasradin.blogspot.com
Voila!
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