samedi 4 septembre 2010

OWLING MANOR
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Londres, 30 août 2010. Mon amie Andrée et moi partons ce jour-là à la découverte d’un étrange manoir victorien abandonné. Nous ne nous doutons pas encore qu’y arriver sera un véritable parcours du combattant. Les tracas commencent lorsque, après avoir pris nos billets, nous nous trompons de quai. Le train part dans 3 minutes, il est environ midi. Je commence à courir, persuadée qu’Andrée me suit. C’est là que je la perds. Le hic, c’est qu’elle m’a affirmé être partie sans son téléphone portable…alors après plusieurs minutes de recherche je finis par demander à ce qu’une annonce soit faite dans toute la gare pour qu’Andrée me retrouve au point d’accueil…sauf que pendant ce temps là elle a pris le train en direction de la ville où nous devons aller pour faire le changement, ce que je finis par savoir en vérifiant mes SMS, car finalement, elle a bien son portable ! Nous finissons par nous retrouver sur le quai de la gare. Une heure de perdue. Toujours dans le rush, je demande à un employé de la ligne où part le prochain train pour Dovecourt, notre destination. Il me dit quai 3 dans 3 minutes. Nous voilà donc dans le train. On commence à se prendre la tête à propos de l’incident, pendant au moins une bonne demi-heure, puis le temps passe, passe, passe…le contrôleur arrive et nous dit qu’on n'est pas dans le bon train ! Stupeur, stress, énervement, il est 14h30, mais le contrôleur est sympa, ne nous fait pas payer d’amende (on a fait l’équivalent de deux fois le trajet prévu) et nous ne nous laissons pas décourager…on refait le chemin inverse et on repart. Avec tous ces contretemps, nous arrivons à Dovecourt à 17 heures !

Selon le plan que nous avons, le manoir se trouve à une bonne demi-heure de marche, il ne faut donc pas lambiner…mais le plan que j'ai imprimé indique une route qui ne s'arrête pas à l'endroit indiqué, le gars de l’auberge du patelin nous dit que c’est la première à gauche alors que c’est la deuxième…Nous sommes à l’orée d’un bois, et il est 18 heures.



On rencontre un type sur la route qui nous dit « oui, Owling Manor c’est à un mile de là, une maison très mystérieuse, il faut passer au-dessus d’une barrière, traverser un champ pour y arriver… », on fait tout ça mais on trouve toujours pas ! Entre-temps, on a couru dans les ronces, les orties, moi stressée de voir la lumière tomber, Andrée plus zen que le dalaï-lama ...elle est d'ailleurs d’une patience exemplaire et je lui décerne une médaille pour me suivre dans cette galère avec le rush que je lui impose…



Puis, une habitante du coin nous dit que c’est la porte d’après sa maison…on grimpe au-dessus d'une barrière, dans la boue et les orties, et on explore un corps de ferme…je me dis que ce sont sûrement les dépendances du manoir…



Mais à part ce vieux piano moisi, rien ne ressemble de près ou de loin à un manoir ici…ce n’est pas la bonne friche ! Nous venons de perdre une heure supplémentaire.


Alors on fait demi-tour, on retente la porte d’en face, redemande aux habitants de la maison d'à côté qui nous disent "vous pouvez pas le rater si vous suivez le chemin bordé de sapins", mais on ne trouve pas le chemin et, à bout de nerfs, crevée, en sang, démangée par les orties anglaises qui sont décidément plus belliqueuses que chez nous, au moment ultime de baisser les bras, le chemin est là sous mes yeux...



Quand nous arrivons Owling Manor, il est 20 heures. Malgré la lumière qui faiblit, nous faisons tout de même un tour rapide, histoire de prendre quelques photos. La maison est beaucoup plus ravagée que ce que j'ai pu voir sur le net. Mais elle reste néanmoins étonnante, de par son architecture biscornue.



Le salon et ses fauteuils jumeaux, au rez de chaussée.



Le puits de lumière au milieu de la maison.



Il est clair que des mômes du coin sont venus faire des fêtes au vu des cadavres de bouteilles que nous avons trouvé, certains s'amusant à faire des mises en scène comme pour accentuer le côté singulier et l'atmosphère glauque de la demeure. Une toile avec un portrait de femme déchiré, un balai de sorcière et une robe noire mitée composent les ingrédients d'un mauvais film d'horreur de série B.



L'un des habitants du manoir était sûrement le peintre qui a représenté cette femme brune au regard étrange sur plusieurs toiles et esquisses trouvées dans la maison. Cette pièce devait être son atelier.



Sur le toit, de nombreuses tourterelles ont élu domicile et ont contribué à ravager le plancher vermoulu du 3ème étage. Le temps presse et il nous faut rentrer...Andrée et moi ne nous imaginons pas une seconde rester dormir cette nuit dans cette lugubre maison et nous décidons de lever le camp. C'est à ce moment-là qu'Andrée se dit inspirée pour chanter a capella une aria dans ce lieu paisible et désolé...



Je filme la scène, comme dans un rêve...la voix d'Andrée s'élève et c'est alors que les ululements des chouettes lui répondent en coeur...il fait presque noir, on ne voit rien mais il nous reste le son de cet interlude bizarre d'un chant "at nightfall" devant un manoir peut-être hanté ! J'avais presque peur qu'Andrée éveille les esprits par son chant puissant et aigu, mais quand la nuit est venue, c'est dans l'apaisement que nous avons pris le chemin du retour. Qui a dit que la musique adoucit les moeurs ? Il faut savoir qu'Andrée observait le jeûne et qu'elle n'avait ni bu ni mangé de la journée...cette femme presque quinquagénaire est surhumaine !

*

J'étais certes frustrée de ne pouvoir explorer plus en détail Owling Manor, mais finalement très contente de ma journée avec Andrée, devenue pour l'occasion une "URBEX* SINGER" plus qu'honorable ! Il ne me restait que ces rares clichés de mauvaise qualité mais les souvenirs étaient là pour pallier à ma déception. A moins...à moins que le sort n'en décide autrement...

TO BE CONTINUED

*Urbex = contraction anglaise de urban exploration (exploration urbaine)

2 commentaires:

P@sc@l a dit…

Trop belle l'aventure...
et avec ton talent de conteuse en plus...

Pour les photos : rien à dire, du beau repérage... tu y retournes quand ?

<;o))X

Biz

Anonyme a dit…

On se croirait dans un roman de Poe. Encore encore... je veux du rêvev et de la poésie