vendredi 28 mars 2008

Chats touillés !

Des poètes ta langue aura lapé plus d’un quatrain
Ils se sont fait l’idée d’un lynx sibyllin,
D’où vient que tes mystères ainsi nous apostrophent ?
Ta pupille se dilate en signe de cat à strophes


Tu perces en un clin tous les trous de souris
Fatal sphinx, le vent tourne pour tous les poux aussi !
Tic-tac, tu cogites, mets au point ta tactique,
Et la sentence tombe en brise cat abat tique


Fabuleux chasseur, ta part du lion est sacrée
Butin qu’aussi à moi tu montres, en gras minet :
« Echangerait croquettes contre rats qui trépassent »,
Et tu te fais payer en bon cat au blé passe !

Do ré mi-aou ! Facétieux voyageur qui,
Laissant bêtises et larcins sur son passage
Aussitôt grondé garde un silence sage,
Semblant dire « c’est pas moi » : là, cat atone nie !


D’un mouvement de ta queue coiffée d’indifférence,
Parfois tu fais comprendre au maître ton impatience
Tu retrousses tes griffes d’un geste élégant
Pour séduire en velours tu fais le cat aux gants

Dans toutes ces chattitudes, je te préfère au lit,
Lorsque le soir venu, après mon dur labeur
J’ai un livre à la main, l’autre à la câlinerie,
Ton ronron me fait l’effet d’un cat à liseur.

(***un peu de vocabulaire, ça ne fait pas de mal ! ainsi, j’ai appris et vous apprends peut-être que catabatique qualifie un vent descendant, que le catoblépas est un animal mythologique et que la catatonie est un syndrome psychique et moteur entraînant négativisme, passivité et raideur chez le malade).

mercredi 19 mars 2008

DIALOGUE IMAGINAIRE A L'ANPE

* * *

"- Vos noms, âge, profession ?
- Je suis personne, atemporel et inactif.
- Inactif, ça je sais, pour le reste, on va essayer d'y remédier.
- Ne me faites pas rire, le rire c'est le propre de l'homme et je ne suis ni propre ni homme.
- Vous êtes quoi alors, un sale animal ? Où habitez-vous ?
- A Plurien.
- Ah, ba c'est déjà quelque chose !
- Vraiment, vous trouvez que c'est quelque chose d'habiter à Plurien ? Vous êtes un comique, vous !
- Pfft. Bon et sinon, où êtes-vous né ?
- Je suis néant.
- Oui...en quoi ?
- Nulle part. C'est un endroit qui n'existe pas, je ne peux donc pas le nommer.
- Mais au moins, vous avez bien un prénom, un nom ?
- Manuel.
- Qu'aimez-vous dans la vie, Manuel ?
- Quiconque ni aucun.
- Vous voulez-dire que vous aimez tout le monde mais personne en particulier ? Vous n'êtes même pas amoureux ?
- Non, je suis à mourir. Enfin, je m'ennuie à mourir pour être plus exact.
- Certes, mais pourquoi êtes-vous venu à l'ANPE si vous ne savez pas quoi faire ? Encore un qui profite du système...
- Pas du tout, calmez votre dentier je vous prie. Je n'ai pas besoin de fouler les sentiers de la gloire, je suis juste entier en plus d'être rentier. J'ai été griffé par un ennui mortel et si je ne trouve pas l'antidote rapidement, je vais mourir. N'est-ce pas l'Agence Nationale Pour l'Ennui ici ? Je suis prêt à travailler gratis pourvu que je puisse faire quelque chose de mes cinq doigts, et accessoirement guérir, mais quoi ?
- OK, alors nonobstant votre prénom, vous êtes plutôt manuel ou pédestre ?
- Je suis ambidestre.
- Moi j'aurais dit ambigu ! Mais au fait, vous avez dit...cinq doigts ?
- Oui, j'ai perdu une main.
- Et bien dans ce cas, je ne peux rien pour vous, revenez demain.
- Mais comment-voulez vous que je revienne avec deux mains, ça repousse pas du jour au lendemain, c'est lent deux mains !
- Arrêtez, je n'ai pas dit...euh, ben revenez depied.
- Ouh là ! ça fait une sacrée trotte à pied, je vous rappelle que j'habite dans un trou à dix bornes d'ici, alors excusez-moi de préférer le bus !
- Je ne vous ai pas demandé...
- Ecoutez, moi je ne vous demande rien d'autre que de me trouver un job, un antidote quoi, c'est votre boulot non ? Quand même, il doit bien y avoir des trucs pour les estropiés ?
- Bon alors faut savoir, c'est le pied ou c'est la main que vous avez plus ? Parce que ça change tout vous savez !
- Disons que je suis estromain, vous comprenez ou faut vous faire un dessin ? Tiens, vous avez un papier ?
- Pas pied ? Mais si j'ai pied, c'est vous qui êtes en train de couler à force de faire des pieds et des mains, franchement...vous me demandez de vous trouver un anti-dot alors que vous êtes rentier, vous dites que vous êtes entier alors qu'il vous manque une main, et en plus vous vous appelez Manuel, faut quand même pas se foutre de ma gueule !
- Me voilà plongé dans les griffes et méandres ubuesques de l'ANPE, c'est d'un commun...
- Commun de velours, copié de biche, cobras de fer, cocu de poule, copine d'huître, ça en fait des membres, dites...
- Très drôle. Au risque d'empirer votre rage dedans, permettez-moi de revenir vous voir demain à pied, et sans papiers. Entre vous et moi, nous verrons qui est le plus manchot des deux, et vous pourrez toujours m'épier...
- Pas question ! Vous me les avez déjà assez cassé...mes pieds !"

Citation d'une interview de Larcenet parue dans le Metro n° 1342 d'hier : "Le vrai ennemi, c'est l'ennui."

* * *

J'ai pris ce cliché au cimetière du Montparnasse, le ciel était à l'orage. Quant au reste, n'étant hélas pas polyglotte, je me suis simplement amusée avec un traducteur automatique...je ne garantis donc pas l'exactitude de la traduction.

mercredi 12 mars 2008

M et vous...les uns les autres
cliquez sur l'image


Le long du chemin que prend le bus 81, j'ai trouvé qu'il était frappant de voir à quel point foisonnaient les enseignes avec un nom commençant par la lettre M. Mephisto, Maeva, Moa, Melia, Monoprix, Mascaro, Minelli, Maty, Mango, Monte Paschi, Midas, MacDonald's, Marionnaud, Méga-lots !
Dans la symbolique des lettres, on dit que M est associée à l'amour. De là on peut partir d'une hypothèse qui se tient : les publicitaires en ont sûrement conclu que "Marketing" pouvait aussi rimer avec ce sentiment qui pousse à la consommation. J'M, donc je Mange. La face cachée du M, son ombre même, son reflet, son envers, c'est le W, symbole du travail. Logique : sans travail, pas d'argent et sans argent, pas Moyen, no Money. Le M couché sur la gauche est également un symbole mathématique désignant la somme : eh oui, lorsqu'on con-somme trop, ça finit par chiffrer...et si l'on va encore plus loin, le symbole couché à droite y ressemble étrangement.
Parmi tout ce micmac saurez-vous reconnaître le M de la / des marques, célébrités, évènements ou noms, correspondant à ces indices ?

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M comme...

Malbouffe
Motilité - Manettes
Multivitaminé - Marchandises
Movie - Mobiles - Mmmm ! - Magnétique
Montagne - Média - Musique - Mathieu - Marche
Mélodies - Metal - Miasmes - Models - Marseille - Motel

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Et M comme Merci ! Merci à vous pour vos messages - 32 ans aujourd'hui, chaque année je m'enfonce dans la décrépitude avec délectation :/ Merci surtout à Tat qui m'a dédié un superbe billet comme cadeau d'anniversaire :)

mercredi 5 mars 2008

LE CHENE ET LE ROSEAU
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2 rue des Trois Bornes - Paris 11
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J'observais un couple dans un restaurant dont le nom m'amusait car il s'appelait "Aux tables de la Fontaine" : il était construit devant une fontaine en plus d'être doté d'un personnel affable, ce qui à Paris tenait du miracle. Entre les deux êtres, un silence pesant s'était attablé, qui semblait attendre le menu. Elle était pareille à un roseau : sa silhouette longiligne était pliée mais son regard ne rompait pas. Lui, c'était le chêne, droit comme un "i" et campant sur sa position : inconfortable, puisqu'une simple parole de sa compagne avait paru le décontenancer. Sur les lèvres du roseau, je lus un verdict : "Ecoute, il faut savoir perdre", dit-elle. "Affronte la vérité. Ce n'est pas qu'un nuage qui passe tu sais, un nuage qui voilerait nos cent ciels alors que nous avions l'essentiel. Ce nuage, c'est notre âge nu, à toi et moi". "Arrête", lui dit-il. Il la regarda droit dans les yeux avec un visage dur, tout en lui tenant les mains aux lunules claires, que j'imaginais froides. Etait-ce lui le volcan ? Etait-ce elle l'étincelle ? Qui avait déclenché la crise et pourquoi ? Un dit vide humain...individus, mains.

Tout semblait les opposer. Je la sentais baroque, à l'aise dans un fouillis de vieux bouquins qui sentent la cave, parsemant sa chevelure coiffée en chignon d'épingles en filigrane. Lui affichait résolument sa modernité. Ses yeux étaient deux vitres en verre fumé qui contemplaient avec tristesse une rosace trop compliquée. Son édifice à elle, entre ridules et fissures, semblait sur le point de s'écrouler avec ses ferroneries rouillées à la peinture écaillée, tandis que les huisseries d'acier de l'homme qui broyait ses mains brillaient d'un éclat métallique et glacé. Je vis ses mains devenir bleues. "Arrête !" , fit-elle . Elle retenait péniblement ses larmes en aspirant de grandes goulées d'air. Il rétorqua : "Si tu craques tes os aussi. A quoi te serviront tes mains de toute façon, elles sont à jamais sales. Je n'aurai aucun scrupule ni aucun mal à les briser, comme tu m'as brisé. Tu es si frêle..." Ce disant, il entreprit de lui broyer les poignets. "Tu as bien sujet d'accuser ma nature. La violence m'est moins qu'à toi redoutable, et me fracturer tout entière en guise de rupture n'ajoutera rien de plus à ma douleur. Calme-toi." Le roseau-rosace s'était exprimée avec une telle douceur, et avec un tel accent d'amour - cela crevait les yeux qu'elle adorait ce chêne-acier, et qu'elle lui avait causé beaucoup de mal - que sa voix me fit l'effet d'un zéphyr. J'eus un long frisson lorsqu'il lui répondit : "Tu as jusqu'ici contre mes coups épouvantables résisté sans courber le dos ; mais attendons la fin".

C'était comme si je vivais la souffrance qui se lisait dans ses pupilles à lui, j'avais mal pour ces deux êtres si différents, et de manière complètement irrationnelle. Il ne semblaient pas me voir, pourtant je les fixais avec une intensité quasi palpable, tellement palpable que j'aurais pu ressentir l'étau des mains du chêne-acier sur mon propre corps assis et scié. Puis, elle prononça un mot, un seul, que je n'entendis pas. Un tout petit bris de glace sur ses lèvres sèches. A ce mot, je vis le chêne se redresser lentement, jeter quelques pièces sur la table et partir. Le roseau resta là, prostrée, ses yeux vitrail morts, au bord d'un étang de larmes coulant sous elle. Mon coeur se recroquevilla dans sa cage. Bouleversée, je crevais d'envie de savoir quel mot avait provoqué le choc, ou quel mutisme avait tout rompu. Un élan de compassion me soufflait : "Vas-y, va la consoler, parle-lui et tu sauras tout". Décence des sens..S'y lancer ou garder le silence ? La retenue me poussa à me retrancher derrière le paravent de la réserve et de laisser le roseau se rompre. Après ce petit incident tout à la fois banal et intense, je m'en suis voulue pendant des jours. Mais j'ignorais si ma déception tenait davantage au fait que je n'avais pas osé m'immiscer dans la vie privée d'un être éploré pour lui apporter mon réconfort, ou au fait que je ne connaîtrai jamais le mot secret du roseau qui avait scié le chêne. Et vous, qu'auriez vous fait ?