dimanche 25 mars 2007


Mars, moi du dieu de la guerre, mois du mâle. Moi, déambulant dans le froid, glacée par le vent et les faces grêles rencontrées au détour des carrefours, je te cherchais. Mais mon espoir était mitigé...je te cherchais sans vouloir vraiment te démasquer. J'aimais cette tranquillité, en somme rien moins qu'une étude de sol en solitude lors de laquelle le marcheur ne sait pas où il met les pieds mais, au moindre pas pris dans un sens perpendiculaire via le virage des rues, s'attend toujours à un changement de décor grâce au changement des corps. J'étais heureuse, les yeux grand ouverts et la bouche souriante, de pouvoir me dire que j'étais vivante, que j'avais la chance de posséder toutes mes facultés pour faire fonctionner mes sens en alerte, aux aguets dans cette recherche perpétuelle de l'inconnu et du déjà vu, de l'immuable et de l'éphémère.

J'allais de paradoxe en parade inédite pour être hors de moi-même, et n'osais croiser mon propre regard dans le reflet des nombreux miroirs de la ville, comme si j'avais peur d'être suivie, comme si je m'échappais. Parfois j'allais bon train, certaine de ne rien voir qui ne m'intéressât, et parfois mon pas devenait plus lent avec un tempo de métronome, mes talons scandant la cité métropole. Je regardais alors les hommes et les femmes de la ville, des humains urbains qui, comme moi, erraient à l'affût de je ne sais qui ou de je ne sais quoi...Rue de la Tour d'Auvergne : j'y tournai sans vergogne. Et là, je vis ton visage, bizarrement fiché pour l'éternité sur un mur près d'une fenêtre. Qui étais-tu ? Qui t'avait emmuré là ? Tu dormais ou tu refusais d'ouvrir les yeux, mais l'expression de tes traits sereins m'apaisa un moment et je suis restée longtemps la tête levée à t'observer. Masque d'une quête perdue, masque du mâle statue : ton visage, véritable aberration dans un monde oublié au plus profond de mon être, resta longtemps gravé dans ma mémoire, et je n'eus de cesse de retailler à l'infini cette surprenante figure pétrifiée, vouée à l'érosion, au fil de mes rêves éveillés.

jeudi 15 mars 2007

SONNET A LA PORTE AVANT D'ENTRER !

Dimanche dernier nous a gratifié d'un beau soleil. Je manquais d'exercice physique, et je décidai donc d'enfourcher mon fidèle...pédalier. Un peu d'huile dans le dérailleur et dans les genoux, et me voilà partie. Direction : les beaux quartiers. J'entends par "beaux quartiers" ces zones qui en imposent avec leurs immeubles haussmaniens délicatement sculptés et leurs cariatides spectaculaires, avatars de la bourgeoisie parisienne d'antan. Il y a un côté suranné dans ces étalages tantôt baroques-rococo, tantôt néo-gothiques. D'autres témoignages de l'époque napoléonienne nous plongent dans une faune bariolée peuplée de sphinges, de chimères et de drôles d'oiseaux. Je ne me doutais pas qu'au détour d'une rue débouchant sur l'avenue d'Iena, je découvrirais que l'architecture pouvait parfois se muer en "architexture"...le maître d'oeuvre (si c'est bien lui l'auteur - hélas j'ai oublé de relever son nom) a fait graver au-dessus d'une grande porte un quatrain d'alexandrins illustrant parfaitement la position de deux romantiques cariatides.



Cet architexte semble s'annoncer comme une épitaphe censée prévenir ceux qui passent le seuil comme on passerait le deuil : un rappel de notre condition de mortel. N'écoutant que mon coeur de joueuse oulipienne, j'y ai vu un exercice tout trouvé ! Il ne me restait plus qu'une chose à faire : répondre à l'appel, et sonnet à la porte...

Campée sur mon char à deux roues, la tête en l'air,
Roulant au gré des rues qui charment mon oeil bleu,
Je vois une cariatide en pose funéraire
Puis une autre alanguie dans un rai lumineux :

Lasse des vains espoirs et des bruits de la terre
Heureuse d'oublier, l'une a fermé les yeux....
A son premier matin, sans effroi du mystère,
L'autre aspire à la vie en souriant au cieux !

Le quatrain ci-dessus est gravé dans la pierre
Il surplombe le grand seuil qui trône tout au milieu,
Arrêtant le passant comme une juste prière

Lui rappelant ainsi l'éphémère en ces lieux :
Car passer c'est mourir, et sourire c'est un peu
Oublier que la mort ne fait pas de manière...


lundi 12 mars 2007

A-N-N-I-V-E-R-S-A-I-R-E


[à truc tronqué, tronc truqué
à trac troqué, troc traqué]

Je suis un arbre qui attend l'ultime coupe : anis, verse, sers !
Les années passent tissent...autant que mes feuilles qui s'enfuient

La sève coule à flot dans mes ongles d'écorce : ah ! nid vert, serres
Je griffonne mes feuilles en pages, langue de bois et graphite à l'appui

De mes doigts effilés on fait de beaux crayons : âmes y versèrent...
De vous à bois, je suis fier que ma matière s'évapore en écrits

Mes aïeux, ces vieux tomes, s'essoufflent,
ahanent, hivers serrent
Lorsqu'au théâtre de leurs Racines le vent les effeuille - postérité bénie

Une femme soupire dans leurs pages cent fois manipulées,
Annie verse air
C'est une belle mort que de mourir ainsi, en bouts de mots transis

Comme un livre déchiré, ce papier que l'on tanne : il verse, s'aère
Papier pas pillé, j'ai un an-neau de plus : juste 31 ans aujourd'hui.

samedi 3 mars 2007

DRAGONS DE PARIS
Un peu d'histoire

Corps de félin, pattes griffues, tête de lion ou d’aigle, ailes de chauve-souris ou d'oiseau, queue de lézard, peau écaillée, ailé ou aptère...par son caractère hybride et fantastique, le dragon est un véritable patchwork du monde animalier. C’est la raison pour laquelle dans l’art, on en trouve quasiment jamais un pareil…Je me propose de vous présenter le butin ramassé lors de mes déambulations parisiennes ; il en existe sûrement plein d’autres et il serait impossible de les recenser tous en une fois…certains sont bien connus de nos amis photographes parisiens en lien ici, d’autres ont été moins évidents à dénicher…

Cliquez pour voir en plus grand !


Tête du défilé du Nouvel An chinois du 18/02/2007 Toboggan de la Villette par Bernard Tschumi (93-94 ?)

Pour bien commencer la tournée, lorsqu’on chasse l’animal il faut bien évidemment se rendre…rue du Dragon (6ème) ! Cette rue a beau être minuscule, elle en regorge.

Haut de porte rue de Rennes, gros plans rue du Dragon et M° St-Paul dans le marais

Fenêtres et balcons : rue du Dragon; Théâtre de la Gaîté Lyrique;
M° Saint-Paul; rue Saint-Louis en l'Ile

Construit par l’architecte Alphonse Cusin et inauguré en 1862, le splendide monument du théâtre de la Gaîté Lyrique, situé au cœur de la capitale dans le 3ème, est actuellement en cours de réfection. La mairie de Paris prévoit d'y ouvrir en 2010 notamment une médiathèque dédiée aux arts numériques, une salle de spectacles et des studios d’enregistrement.

Sculpture Eco-emballage par Gilles Pennaneac’h au Jardin des Plantes et
restaurant Dragons Elysées rue de Berri dans le 8ème (détail)

De part et d'autre de la Fontaine Saint-Michel, deux chimères en bronze sculptées par Gabriel Davioud vers 1860

La pagode rouge est le siège de Ching Tsai Loo et Cie, le plus ancien antiquaire chinois de Paris. Ce monument, située près du parc Monceau à l'angle de la rue de Courcelles et de la rue Rembrandt (8ème) fut construit entre 1926 et 1928 avec la collaboration d'un architecte français, Fernand Bloch. La Pagode, cinéma d'art et d'essai rue de Babylone dans le 7ème, fut construite par l'architecte Alexandre Marcel en 1895.

La Pagode, cinéma (7ème) : dragon en bronze, dragons en bois sculpté ;
fronton et détail décoration murale de la pagode rue de Courcelles

Si tout monument d'inspiration asiatique comporte son lot de dragons, l’art religieux en est également très friand, que ce soit sous forme de gargouilles ou de chimères…on en voit sur presque toutes les églises de Paris. Ci-dessous est réprésenté l’un des saints sauroctones (pourfendeurs de dragons : St-Michel ou St-Georges sont ls plus connus) transperçant la gueule de l’animal. Ce sont deux symboliques opposées qui soulignent l'ambivalence de la créature : tantôt vénérée, tantôt incarnation du mal qu'il faut terrasser...ou figure effrayante censée décourager le petit malin au pas de la porte, telle une personnification de la vigilance. Sainte-Marguerite d'Antioche, une vierge martyre du IVème siècle, était très révérée dans le quartier de l'actuelle rue du Dragon, dont le nom fut donné à une cour du même nom aujourd'hui disparue. La légende dit que Marguerite fut avalée par un monstre et qu'elle en transperça miraculeusement le ventre pour en sortir. C'est pourquoi on la représente généralement "hissant du dragon", comme ci-dessus.

Fontaine du square Notre-Dame détail de la porte principale

Picard Surgelés, ou le feu qui couve sous la glace ;-) il faut pivoter de 90° dans le sens des aiguilles
d'une montre pour mieux apercevoir le dragon en ferronnerie

Automate du quartier de l'Horloge (3ème) : "Le défenseur du temps", par Jacques Monestier (1979)
Bas-relief "Saint Georges terrasant le dragon", par l'artiste catalan Apel. es Fenosa (1977) : rue Sainte-Croix
de la Bretonnerie dans le marais, juste au-dessus de l'entrée du Centre d'Etudes Catalanes;
encore un symbole de "vigie-lance"

Disparus...

Celui-ci, rue du dragon, a hélas été effacé mais il vaut le coup d’œil : une oeuvre de
Jérôme Mesnager ...et un autre du même, mais où ? Je n'ai pas eu la chance d'assister à l'exposition "Dragons, entre science et fiction" qui s'est terminée fin novembre 2006. A cette occasion, la station de M° Saint-Michel avait fait l'objet d'installations artistiques, et la Gare de Lyon avait accueilli un autre dragon, suspendu, de éco-emballages. Ci-dessous également une ancienne gravure montrant la Cour du Dragon détruite aujourd'hui. Seule l'oeuvre de Paul-Ambroise Slodtz (vers 1730, voir plus haut) subsiste.



Et pour finir, un petit tour dans le 13ème arrondissement, quartier asiatique de Paris par excellence, le jour du défilé du Nouvel An le 25/02/2007.

Une enseigne avenue de Choisy, et le MacDo avenue d'Ivry

Dragons brodés, dragon argenté avenue de Choisy

Peinture sur le mur de Notre-Dame de Chine

Mais pour vous régaler les mirettes, je vous suggère de visiter les photoblogs de David le Savoisien, ou ceux de Francis (Paris-émoi), Henri (Only Photos) et Tatiana (Tat a l'oeil), croisés au défilé...


A SUIVRE...